Version française / Manifestations
- Libellé inconnu,
Colloque International: "Le procès et sa mise en scène (droit et littérature dans l’Espagne du Siècle d’or)"
Publié le 15 janvier 2018
–
Mis à jour le 16 juillet 2018
Ce colloque international portant sur les rapports entre Droit et Littérature, et, spécifiquement, la littérature dramatique, autour du motif du procès, est conjointement organisé par Ch. Couderc, Ph. Rabaté (GREAC, CRIIA, EA 369) et A. Merle (Univ. Caen Basse Normandie, ERLIS, EA4254).
Date(s)
du 1 février 2018 au 2 février 2018
Lieu(x)
Bâtiment Max Weber (W)
Le 1er février 2018, salle des conférences du bâtiment Max Weber, Université Paris Nanterre
Le 2 février 2018, salle de séminaire 2 du bâtiment Max Weber, Université Paris Nanterre
Le 2 février 2018, salle de séminaire 2 du bâtiment Max Weber, Université Paris Nanterre
Le procès et sa mise en scène (droit et littérature dans l’Espagne
du Siècle d’or)
/Derecho y literatura en la España del Siglo de oro : el proceso judicial en el teatro y la prosa
Organisation: A. Merle (Univ. Caen, ERLIS, EA4254), Ph. Rabaté, Ch. Couderc, A. Pelegri (Univ. Paris Nanterre, CRIIA, EA 369)
Présentation
Au fondement de cette première rencontre est l’idée qu’il conviendrait de s’intéresser à la scène de procès dans la littérature espagnole du Siècle d’or : plus précisément, à la présence, à la fréquence et à la signification de la fictionnalisation du procès. Cette question, qui a pu être étudiée pour la littérature française ou anglophone , ne semble pas avoir généré une abondante littérature critique du côté de l’hispanisme pour ce qui concerne le Siècle d’or.
La littérature dramatique, par son abondance comme par la variété de ses formes, constitue un premier champ d’exploration a priori fécond, notamment du fait de l’importance que peut avoir le procès, sous différentes facettes, dans le théâtre tragique. Vernant et Vidal-Naquet (lequel se disait marqué par l’interprétation hégélienne d’Antigone) lisaient la tragédie grecque comme l’expression d’un moment historique où entrent en conflit des formes de droit ou des lois différentes, donnant à voir mise en mots et en actes « une pensée juridique en plein travail d’élaboration ». Le théâtre de l’époque moderne, et pas seulement dans son versant tragique (et pas uniquement en Espagne), joue volontiers avec des motifs et des notions tels que l’aveu/la confession, l’accusation (vraie ou fausse), l’enquête et l’obtention de la preuve, la faute et sa rétribution, la culpabilité, la justice, la loi. Le traitement judiciaire de la violence et de sa résolution s’y trouve ainsi communément représenté, de façon plus variée que par la stricte mise en scène du procès : la judiciarisation peut informer l’intrigue à des degrés divers, ou encore se laisser voir dans des moments particulièrement significatifs (le monologue de délibération, par exemple) ou expliquer l’inflexion du langage employé par les personnages pris dans la joute oratoire (cf. l’agon de la tragédie antique). Cet aspect a notamment été étudié par Christian Biet qui a relevé dans la tragédie classique française la forte présence du langage et des structures judiciaires (persuader, parvenir à une sentence, juger, condamner, exécuter, etc.) et qui a développé plus récemment une lecture du théâtre comme cérémonie ou comme séance où le public serait « saisi » d’un fait particulièrement violent pour en statuer — le théâtre disant finalement la norme mais non sans la mettre en débat et en question .
La variété thématique et formelle qui caractérise le théâtre espagnol du Siècle d’or permet ainsi d’y trouver maintes expressions d’une pensée ou d’une culture judiciaires : des procès sont présents dans l’auto sacramental comme dans la comedia de santos ; au cœur du processus de destruction/restauration de l’ordre qui gouverne la comedia, les dramaturges ont volontiers recours au personnage du roi, faisant preuve de clémence ou au contraire de cruauté et d’arbitraire ; l’absence de procès peut aussi interroger, comme dans le cas de la figure de la Serrana de la Vera, justiciada après avoir renversé l’ordre existant et avoir refusé de déléguer à une quelconque instance médiatrice sa vengeance, suivant par là une loi du cœur qui se rapproche de celle d’Antigone privilégiant les devoirs familiaux (sépulture d’un de ses frères) malgré l’interdiction de Créon.
Représenté tel quel ou diffracté dans l’intrigue fictionnelle, le procès se trouve également au cœur des dispositifs de la narration, notamment dans la littérature picaresque, qui accorde une place de choix aux notions de caso et de confession — Michel Cavillac rapprochait ainsi la confesión general du galérien créé par Mateo Alemán de la figure du « juge-pénitent » de La chute de Camus. Dès le Lazarillo de Tormes, en effet, le récit, loin de n’être que la justification du déshonneur final du protagoniste, offre un exposé systématique et ab initio de la vie du crieur de vin en offrant à la première personne des territoires jusque là inexplorés en s’inspirant des procès inquisitoriaux (ainsi que l'affirme Antonio Gómez-Moriana). Mateo Alemán procéda de son côté en 1593 à l’interrogation d’une douzaine de mineurs d’Almadén, magnifique document juridique exhumé jadis par Germán Bleiberg et qui est considéré comme l’une des sources directes du Guzmán de Alfarache. Francisco de Quevedo sut ainsi identifier et renverser cette confession « à décharge », si l’on peut dire, qui constitue un véritable paradoxe, le héros picaresque prétendant abolir ses méfaits et sa culpabilité en nous livrant un récit détaillé de ceux-ci.
Cette première rencontre s’insère dans un projet plus vaste qui nous permettra d’élargir la réflexion aux rapports qu’entretiennent les régimes judiciaire/juridique et littéraires, deux territoires étroitement imbriqués : il pourra s’agir d’étudier les formes discursives des controverses les plus célèbres du XVIe siècle – notamment celles où s’illustrèrent les figures de l’École de Salamanque, dont on trouvera nombre d’échos dans la littérature de fiction – ou de se demander en quoi les lettres suivent des modèles discursifs juridiques, nombre d’écrivains du Siècle d’or ayant suivi une formation de Leyes . Leur poétique et leur rhétorique ne sont-elles pas largement tributaires d’une fascination pour le Droit (et sa vaste gamme de procédures contentieuses) qui est devenue l’une des spécialités espagnoles les plus prisées dès les Rois Catholiques, et peut-être plus tôt encore, si l’on en croit la mythographie référée aux rois législateurs tel Alphonse le Sage ?
Ces différents axes de réflexion pourront être exploités lors de cette première rencontre organisée les 1er et 2 février 2018.
La littérature dramatique, par son abondance comme par la variété de ses formes, constitue un premier champ d’exploration a priori fécond, notamment du fait de l’importance que peut avoir le procès, sous différentes facettes, dans le théâtre tragique. Vernant et Vidal-Naquet (lequel se disait marqué par l’interprétation hégélienne d’Antigone) lisaient la tragédie grecque comme l’expression d’un moment historique où entrent en conflit des formes de droit ou des lois différentes, donnant à voir mise en mots et en actes « une pensée juridique en plein travail d’élaboration ». Le théâtre de l’époque moderne, et pas seulement dans son versant tragique (et pas uniquement en Espagne), joue volontiers avec des motifs et des notions tels que l’aveu/la confession, l’accusation (vraie ou fausse), l’enquête et l’obtention de la preuve, la faute et sa rétribution, la culpabilité, la justice, la loi. Le traitement judiciaire de la violence et de sa résolution s’y trouve ainsi communément représenté, de façon plus variée que par la stricte mise en scène du procès : la judiciarisation peut informer l’intrigue à des degrés divers, ou encore se laisser voir dans des moments particulièrement significatifs (le monologue de délibération, par exemple) ou expliquer l’inflexion du langage employé par les personnages pris dans la joute oratoire (cf. l’agon de la tragédie antique). Cet aspect a notamment été étudié par Christian Biet qui a relevé dans la tragédie classique française la forte présence du langage et des structures judiciaires (persuader, parvenir à une sentence, juger, condamner, exécuter, etc.) et qui a développé plus récemment une lecture du théâtre comme cérémonie ou comme séance où le public serait « saisi » d’un fait particulièrement violent pour en statuer — le théâtre disant finalement la norme mais non sans la mettre en débat et en question .
La variété thématique et formelle qui caractérise le théâtre espagnol du Siècle d’or permet ainsi d’y trouver maintes expressions d’une pensée ou d’une culture judiciaires : des procès sont présents dans l’auto sacramental comme dans la comedia de santos ; au cœur du processus de destruction/restauration de l’ordre qui gouverne la comedia, les dramaturges ont volontiers recours au personnage du roi, faisant preuve de clémence ou au contraire de cruauté et d’arbitraire ; l’absence de procès peut aussi interroger, comme dans le cas de la figure de la Serrana de la Vera, justiciada après avoir renversé l’ordre existant et avoir refusé de déléguer à une quelconque instance médiatrice sa vengeance, suivant par là une loi du cœur qui se rapproche de celle d’Antigone privilégiant les devoirs familiaux (sépulture d’un de ses frères) malgré l’interdiction de Créon.
Représenté tel quel ou diffracté dans l’intrigue fictionnelle, le procès se trouve également au cœur des dispositifs de la narration, notamment dans la littérature picaresque, qui accorde une place de choix aux notions de caso et de confession — Michel Cavillac rapprochait ainsi la confesión general du galérien créé par Mateo Alemán de la figure du « juge-pénitent » de La chute de Camus. Dès le Lazarillo de Tormes, en effet, le récit, loin de n’être que la justification du déshonneur final du protagoniste, offre un exposé systématique et ab initio de la vie du crieur de vin en offrant à la première personne des territoires jusque là inexplorés en s’inspirant des procès inquisitoriaux (ainsi que l'affirme Antonio Gómez-Moriana). Mateo Alemán procéda de son côté en 1593 à l’interrogation d’une douzaine de mineurs d’Almadén, magnifique document juridique exhumé jadis par Germán Bleiberg et qui est considéré comme l’une des sources directes du Guzmán de Alfarache. Francisco de Quevedo sut ainsi identifier et renverser cette confession « à décharge », si l’on peut dire, qui constitue un véritable paradoxe, le héros picaresque prétendant abolir ses méfaits et sa culpabilité en nous livrant un récit détaillé de ceux-ci.
Cette première rencontre s’insère dans un projet plus vaste qui nous permettra d’élargir la réflexion aux rapports qu’entretiennent les régimes judiciaire/juridique et littéraires, deux territoires étroitement imbriqués : il pourra s’agir d’étudier les formes discursives des controverses les plus célèbres du XVIe siècle – notamment celles où s’illustrèrent les figures de l’École de Salamanque, dont on trouvera nombre d’échos dans la littérature de fiction – ou de se demander en quoi les lettres suivent des modèles discursifs juridiques, nombre d’écrivains du Siècle d’or ayant suivi une formation de Leyes . Leur poétique et leur rhétorique ne sont-elles pas largement tributaires d’une fascination pour le Droit (et sa vaste gamme de procédures contentieuses) qui est devenue l’une des spécialités espagnoles les plus prisées dès les Rois Catholiques, et peut-être plus tôt encore, si l’on en croit la mythographie référée aux rois législateurs tel Alphonse le Sage ?
Ces différents axes de réflexion pourront être exploités lors de cette première rencontre organisée les 1er et 2 février 2018.
Avec la participation de :
Christian Biet, Jean Canavaggio, Fausta Antonucci, Florence d’Artois, Anne Cayuela, Amélie Djondo, Karine Durin, Rafael González Cañal, Isabel Ibáñez, Sònia Boadas, Elena Cantarino, Christine Marguet, Antonio Sánchez Jiménez
Mis à jour le 16 juillet 2018
Contact :
Christophe Couderc : ccouderc@parisnanterre.fr
Fichier joint
- Affiche colloque Le procès et sa mise en scène.pdf PDF, 230 Ko
- programme PDF, 5 Mo
- Le procès, présentation.pdf PDF, 666 Ko
Entrée libre